mercredi 4 décembre 2013

Danse noire, de Nancy Huston (2013).

 

Sur un lit d’hôpital, Milo s’éteint lentement. À son chevet, le réalisateur new-yorkais Paul Schwarz rêve d’un ultime projet commun : un film qu’ils écriraient ensemble à partir de l’incroyable parcours de Milo. Dans un grand mouvement musical pour chanter ses origines d’abord effacées puis peu à peu recomposées, ce film suivrait trois lignes de vie qui, traversant guerres et exils, invasions et résistances, nous plongeraient dans la tension insoluble entre le Vieux et le Nouveau Monde, le besoin de transmission et le rêve de recommencement.

Du début du xxe siècle à nos jours, de l’Irlande au Canada, de la chambre sordide d’une prostituée indienne aux rythmes lancinants de la capoeira brésilienne, d’un hôpital catholique québecois aux soirées prestigieuses de New York, cette histoire d’amour et de renoncement est habitée d’un bout à l’autre par le bruissement des langues et l’engagement des coeurs.

Je n'avais jamais lu de livres de Nancy Huston, mais j'entends parler de cet écrivain depuis de nombreuses années, aussi me suis-je laissée tenter par son dernier ouvrage. Qui a failli me tomber des mains au bout du 2ème chapitre. J'ai dû m'accrocher pour parvenir au bout de ce roman, dont la lecture a représenté pour moi un véritable pensum.

Sur le papier, pourtant, l'histoire est intéressante, mais je n'ai pas apprécié sa mise en scène soi-disant cinématographique qui permet de justifier beaucoup d'approximations et de dialogues creux et mal écrits.

De plus, le mélange des langues (le texte est écrit tantôt en français, tantôt dans un anglais abâtardi traduit en bas de page) est assez pénible ; je pense qu'il aurait fallu choisir entre les deux et que sans doute l'anglais aurait mieux convenu. Au début, j'ai fait l'effort de lire les passages rédigés en anglais, mais j'ai vite renoncé pour me contenter des traductions en bas de page réalisées par l'auteur. Le va-et-vient permanent entre texte et notes devenait, à la longue, lourd et fastidieux.

J'ai été sensible au personnage de Neil ; les autres m'ont laissée plus froide, même si Awinita est assez touchante. 

Il y a un certain nombre de scènes de sexe, qui sont assez pénibles et ennuyeuses à lire, car essentiellement glauques et très peu érotiques.

L'auteur n'écrit pas mal ; elle a du savoir-faire, c'est incontestable ; mais son écriture est froide et impersonnelle. Tous les passages relatifs à la Capoeira, cette danse noire qui donne son titre et sa structure au roman, m'ont laissée de marbre : il n'y a pour ainsi dire pas de sensualité dans ce roman, que ce soit dans ses thèmes ou son écriture.
 
Métisser ainsi trois époques et trois cultures était pourtant intéressant, mais en ce qui me concerne, la sauce n'a pas pris. A mon sens, Nancy Huston a voulu réaliser à travers ce livre un projet ambitieux qui n'a pas abouti, faute d'une écriture adaptée au(x) sujet(s) choisi(s). C'est à la fois dommage et décevant. 

Livre lu dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire 2013, opération organisée par le site de Priceminister.
Note attribuée au livre : 07/20.

samedi 4 mai 2013

Le Bouc-Emissaire, Daphné du Maurier (1957).



John est un Anglais qui passe ses vacances en France, pays dont l'histoire le passionne. Tandis qu'il séjourne au Mans, il rencontre son double : Jean de Gué, un aristocrate français, qui ressemble trait pour trait à notre héros - mais en apparence, seulement. Ils passent une nuit dans un hôtel, et le lendemain matin, Jean a disparu, emportant toutes les affaires de John. Un homme frappe à la porte : c'est le valet de Jean de Gué qui vient chercher son maître. John est alors obligé de prendre la place de Jean ; il va découvrir la vie de son double et devoir jouer le jeu jusqu'à la fin du livre...

J'ai terminé de lire ce roman il y a quelques mois, et je l'ai plutôt bien aimé. Ce roman a la particularité de se dérouler en France, dans la région de la Sarthe. L'écrivain excelle, d'ailleurs, à rendre l'atmosphère de la France des années 1950.

D'emblée, cette histoire d'échange d'identité est très prenante ; surtout que John remplace un Jean de Gué qui constitue son exacte antithèse, et que sa famille a de bonnes raisons de haïr. Certains événements survenus dans le passé (pendant la seconde guerre mondiale) pèsent sur tous les protagonistes.

John apprend petit à petit à découvrir la personnalité de celui qu'il remplace, et sa famille (non sans commettre quelques gaffes). Ce qui m'a un peu gênée en revanche, c'est le côté malsain de cette famille : la mère de Jean est accro à la morphine, sa fille est obsédée par la religion et a des hallucinations... mais on est chez Daphné du Maurier. J'ai également trouvé le titre peu représentatif de l’œuvre, et la fin un peu décevante. Toutefois, c'est un roman dont je recommande la lecture.

L'adaptation ITV récente, signalée par Whoopsy Daisy et Clélie :





samedi 27 avril 2013

Debout sur la terre, de Nahal Tajadod.


Je suis tombée par hasard dans ma librairie sur ce livre de Nahal Tajadod :


Comme j'ai toujours été fascinée par l'Iran, je me suis tout de suite procuré cet ouvrage. Et je ne l'ai pas regretté.

Le livre suit les pas du réalisateur Fereydoun Sadari, qui doit se rendre chez Monsieur V., un homme politique qui vient de publier une biographie sur Victor Hugo, et qui souhaite que celle-ci soit adaptée pour le petit écran. Au cours de cette journée, Fereydoun va croiser tous les protagonistes de cette histoire, l'esprit surtout préoccupé par Ensiyeh, une jeune veuve dont il est amoureux, descendante d'un grand chef guerrier, femme de lettres progressiste et passionnée, attachée aux terres léguées par sa famille.

Au moment où commence l'histoire, nous sommes dans les années 1970 ; le shah d'Iran, Reza Pahlavi, a encouragé depuis plusieurs années déjà l'occidentalisation des moeurs - c'est ainsi que les policiers obligent les femmes qui déambulent voilées dans la rue à ôter leur tchador (les choses ont bien changé aujourd'hui). Cependant, le peuple ne profite guère de tous ces avantages sociaux, culturels et économiques initiés par le shah d'Iran, et le fossé se creuse entre l'élite et les classes populaires.

L'auteur, Nahal Tajadod, retrace sous nos yeux, avec beaucoup d'humour, au moyen d'une narration complexe et captivante, l'histoire collective de l'Iran, d'hier à aujourd'hui, à travers l'histoire intime de quelques personnages. Elle nous permet de mieux comprendre comment la révolution islamiste de 1979 a pu avoir lieu, en nous présentant le personnage de Massoud, l'électricien issu des classes populaires qui finira par devenir le préfet de Teheran une fois Khomeyni parvenu au pouvoir.

L'édition de poche ressemble à ceci :
 



En faisant quelques recherches, j'ai appris que Nahal Tajadod était mariée à Jean-Claude Carrière. Elle s'intéresse de près à la culture perse, indienne et chinoise. Elle est connue pour Passeport à l'iranienne, dont j'ai beaucoup apprécié la lecture, et a publié il y a quelques mois, Elle joue, qui m'a en revanche beaucoup moins convaincue. La sortie il y a quelques mois du film Synghè Sabour, pierre de patience, adaptation du roman d'Atiq Rahimi, fait qu'il a été question de ce couple dans les médias, puisque J.-C. Carrière a co-scénarisé le film.


vendredi 9 novembre 2012

Parfums, de Philippe Claudel.

 


J'ai terminé hier soir Parfums de Philippe Claudel, une sorte d'abécédaire qui s'efforce de ressusciter les parfums que l'auteur associe à son enfance et à sa jeunesse. Entreprise à la fois baudelairienne et proustienne qui lie parfums et souvenirs ; exercice de style, aussi, qui fait un peu songer à Gracq et à son écriture du fragment ; certains passages ont la beauté des meilleurs vers de la langue française. Sous la plume de Claudel ressuscite le pays de son enfance, Dombasle, Nancy, les Vosges. Un peu inégal parfois, mais globalement un très beau livre, qu'on prend plaisir à feuilleter et à savourer.

Quelques passages choisis en guise de mise en bouche :

ALAMBIC
Car là, au profond d'un mystère que nous ne comprenons pas, c'est bien le soleil qui, dans les méandres du labyrinthe de cuivre chauffé, se change en eau-de-vie. Soleil des fruits d'or et de parme, mirabelles, poires, quetsches, prunelles sauvages, récoltées quelques mois plus tôt si mûrs au pied des arbres que leur poids sucré les a fait chuter et se fendre souvent, excédés de leur surabondance et de leur pulpe chaude, puis mêlés dans des tonneaux où, loin de pourrir, ils se sont mariés les uns aux autres en un moût entêtant et bulbeux. Dans la cabane au-dessus de la rivière se joue le dernier acte. La chair devient pur alcool.

SAPIN
Les sapins nous enveloppent de leurs basses branches. C'est un monde de quiétude, de bruissements d'abeilles, de cheminement, de limaces, de fourmillières pharaoniques, de geais qui filent, bleus, laissant parfois tomber une plume blanche chamarrée de gris que je plante dans mes cheveux. Je fouille les mousses qui retiennent même au plus chaud de l'été toujours un peu d'humidité, une spongiosité tourbée.


REMUGLE
Sans doute est-ce là, dans cette bibliothèque surannée, au profond du silence, parmi les visages absents de mes camarades et leurs corps ennuyés, enivré par le remugle - puisque c'est là le nom et l'odeur des vieux livres comme je l'appris bien plus tard -, que j'entre dans un pays, celui de la fiction et des mille sentiers, que je n'ai depuis jamais vraiment quittés. Je suis comme les livres. Je suis dans les livres. C'est le lieu où j'habite, lecteur et artisan, et qui me définit bien.
 
Livre lu dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire 2012, opération organisée par le site de Priceminister. Merci à Constance, à Summerday, et à Oliver. ;)


Note attribuée au livre : 16/20


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mercredi 7 novembre 2012

Une place à prendre, de J.K. Rowling.

 

J'ai terminé de lire Une place à prendre la semaine dernière, et je ressors de ma lecture avec un avis très mitigé.

Dès les premières pages, la mort brutale de Barry Fearbrother, un conseiller paroissal, nous plonge dans la vie quotidienne des habitants de Pagford, une petite bourgade comme il en existe des milliers en Angleterre. La mort de ce conseiller laisse une place vacante au conseil, qui est déchiré entre d'un côté les défenseurs de la tranquilité de Pagford, et de l'autre, ceux qui militent pour conserver dans la commune la cité des Champs, une zone où se trouvent des HLM et une clinique de désintoxication. La mort de Barry, fervent défenseur des Champs, pourrait définitivement faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre, et la bataille est donc rude pour occuper ce siège tant désiré.

Mais au-delà de cette lutte électorale, ce sont surtout les différents habitants de Pagford et des Champs que nous apprenons à connaître - une bonne quinzaine au total, et même si au départ il n'est pas forcément facile de s'y retrouver, on comprend vite qu'ils sont tous liés. Le lecteur côtoie alors des adolescents qui méprisent leurs parents, et des adultes tous plus médiocres les uns que les autres, n'hésitant pas à se poignarder mutuellement dans le dos pour servir leurs intérêts. J.K. Rowling dépeint de manière satirique une humanité égoïste, mesquine et hypocrite.

Le problème, c'est qu'à force de faire la liste, à travers ses personnages, de tous les maux dont souffre la société, J.K. Rowling finit par enfermer son microcosme dans quelque chose de complètement stéréotypé et caricatural. En effet, tous les couples sont dysfonctionnels, les vieux sont méchants, les riches sont méprisables, les pères sont pédophiles / voleurs / menteurs / violents ; les mères sont nymphomanes / droguées ; les ados se droguent / regardent du porno / se font des scarifications / se font violer... bref, tout y passe, et l'auteur ne nous fait grâce d'aucune réalité sordide, le tout en faisant adopter à ses personnages un langage souvent cru et vulgaire. Au milieu de cet océan de grisaille, émerge, parfois, une toute petite lueur d'espoir. Assez rapidement mise à mal par un dénouement inutilement mélodramatique et appuyé.

En somme, ce livre est intéressant à lire dans la mesure où J.K. Rowling sait camper un univers, s'aventure sur un terrain où on ne l'attend pas, et décrit avec acuité ses personnages, mais peut également être jugé long, lourd, et surtout mettre le lecteur très mal à l'aise.

J'ai lu sur ce livre l'avis d'une lectrice qui disait que le roman de J.K. Rowling lui avait fait l'effet que ressent tout quidam lorsqu'il assiste à un accident de voiture : il ne peut s'empêcher d'y jeter un coup d'oeil alors qu'il sait qu'il risque de voir des choses particulièrement morbides.

C'est exactement ce que j'ai resenti à la lecture d'Une place à prendre.
 
Livre lu dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire 2012, opération organisée par le site de Priceminister. ;)
 
 
Note attribuée au livre : 12/20
 

mercredi 10 octobre 2012

Vita Sackville-West.

Vita Sackville-West est une Anglaise, auteur de plusieurs romans, connue notamment pour la relation amoureuse qu'elle aurait entretenue avec Virginia Woolf.


J'ai lu trois de ses romans : Toute passion abolie, Plus jamais d'invités ! et dernièrement, grâce à Akina (alias Céline, du Blog Bleu) Haute Société.

J'ai plutôt bien aimé ces trois romans, qui révèlent la grande finesse d'écriture de leur auteur.


Toute passion abolie est l'histoire d'une dame Lady Slane de quatre-vingt huit ans, mère de six enfants, qui décide à la mort de son époux de vivre enfin sa vie, en faisant le choix de la solitude.

Le sujet est mince, mais c'est merveilleusement écrit et analysé, sans jamais être ennuyeux.

J'aimerais beaucoup voir ce livre adapté au cinéma : cette vieille dame issue de la bonne société qui décide, une fois devenue veuve, de vivre enfin sa vie après avoir été au service de la carrière politique de son mari pendant des années a quelque chose d'à la fois très drôle et très émouvant...

Les amis qu'elle se fait sont attachants, de même que sa relation à sa servante.

La façon dont elle décide, en tout bien tout honneur, de flouer ses descendants d'un héritage considérable est assez savoureuse...

Cette vieille dame a une sensibilité qui en fait quelqu'un d'à part. Après avoir abandonné son rêve de devenir peintre lorsqu'elle était jeune, sa confrontation avec sa nièce a quelque chose de touchant : c'est au passage de relai d'une génération à l'autre qu'on assiste, avec l'espoir qu'ont fait naître les changements sociaux des années 1920, qui autorisent enfin les femmes à mener une vie plus indépendante.


Plus jamais d'invités ! est un petit livre court, qui se lit facilement. Au fur et à mesure de l'histoire, on découvre que Rose, une femme dont les origines sont plutôt modestes, a accepté, en épousant Sir Walter, de ne jamais avoir de relations sexuelles avec lui, et de ne jamais se livrer à des effusions sentimentales. A quarante-deux ans, elle est donc toujours vierge, et on peut supposer que son mari aussi... Aux yeux de tout le monde, ils passent pour le couple parfait, mais cette façade va se craqueler au cours d'un week-end de Pâques où des proches et des amis sont invités dans leur magnifique demeure d'Anstey.


Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'intrigue de départ est plutôt originale; le problème, c'est que même si le style de l'auteur est extrêmement fluide et son analyse des caractères subtile, beaucoup de choses présentent quand même un caractère soit invraisemblable, soit insignifiant. La fin m'a interpellée, car le château brûle : on pense inévitablement au dénouement de Jane Eyre et, plus tard, de Rebecca. Dans les trois cas, l'incendie permet une regénérescence.
Bref, ça se lit agréablement, mais l'intrigue aurait mérité d'être davantage "creusée".


J'ai poursuivi ma découverte de Vita Sackville-West avec Haute Société.

Evelyn Jarrold est une femme comblée. Âgée de trente-neuf ans, riche, veuve depuis quinze ans d'un homme qu'elle n'aimait pas, dotée d'un fils tendre et brillant qu'elle adore, aimée de tous, et surtout de sa belle famille, coqueluche de la Haute Société, elle tombe amoureuse de Miles Vane-Merrick, un jeune député, aristocrate et réformiste, de quinze ans plus jeune qu'elle. C'est le début d'une étrange histoire d'amour entre le député dévoué à son oeuvre, et Evelyn, plus soumise aux exigences de sa classe qu'elle ne le pensait.

J'ai beaucoup apprécié ce récit, sa finesse d'écriture, et sa justesse dans sa façon de décrire les classes sociales et la psychologie des personnages. J'ai été moins sensible à l'histoire d'amour et la fin m'a mise mal à l'aise - mourir d'amour ? - Il n'y a guère que dans les romans que ce genre de choses arrive. ^^ Mais les personnages secondaires sont très bien brossés et permettent de mieux appréhender l'histoire de la société anglaise, et c'est passionnant.

lundi 24 septembre 2012

Anna Karénine, de Léon Tolstoï.


J'ai lu cet ouvrage pour la première fois à l'âge de seize ans, dans une traduction ancienne et pas forcément très bonne, et j'avais vu l'une de ses adaptations cinématographiques quelques années auparavant : je suis complètement passée à côté de ce livre, alors que j'avais réussi à lire et à apprécier la même année Madame Bovary de Flaubert, ouvrage pourtant aussi ardu, abordant un thème similaire.



J'ai redécouvert Anna Karénine il y a quelque temps avec enchantement, et je n'ai eu aucun mal à aller jusqu'au bout du livre, contrairement à ce qui s'était passé les années précédentes.

Anna Karénine est un livre très bien écrit : chaque phrase est savoureuse. Les personnages sont très bien peints, qu'il s'agisse de Lévine, Kitty, Anna, Vronsky, ou de personnages apparemment moins importants. Le style de Tolstoï tient le juste milieu entre un Stendhal pour l'aspect ingénu et spirituel, et un Flaubert pour l'aspect réaliste. La société de l'époque est décrite très précisément, et Tolstoï excelle dans les scènes de genre (dîner, chasse, courses, bal, mariage...) et sait les renouveler en leur apportant beaucoup de fraîcheur. L'auteur fait preuve d'une grande finesse psychologique ; il sait rendre ses personnages vivants, parfois en mentionnant un seul détail de leur physique ou de leur caractère.

L'architecture de ce roman de moeurs est à la fois très savante et très discrète ; Anna Karénine n'est pas le personnage principal du livre, contrairement à ce que le titre pourrait nous faire penser.

La structure repose en fait sur trois couples :

- Stépane Arcadievitch Oblonsky et Daria Alexandrovna ;

- Lévine et Kitty Chtcherbatzki ;

- Anna Karénine, d'abord mariée à Alexis Alexandrovitch, et qui deviendra ensuite la maîtresse de Vronski.

Ces trois couples sont l'occasion pour Tolstoï de livrer au lecteur sa vision du monde et de se livrer à des réflexions métaphysiques, sans pour autant être didactique.

Lévine et Anna sont deux personnages qui seront amenés à se croiser dans le roman, et qui, bien que très différents, sont les vecteurs d'une même interrogation sur le monde et sur ce qui fait le sens de la vie. Sauf que Lévine aura plus de chance qu'Anna, parce qu'il est un homme, et elle une femme, et qu'ils vivent dans une société profondément inégalitaire de ce point de vue là.

Tolstoï a mis beaucoup de lui-même dans le personnage de Lévine, et il a su capturer à merveille l'essence d'Anna, ce personnage féminin si troublant, qu'il désapprouve d'un point de vue moral, mais qu'il justifie d'un point de vue romanesque. Même si Anna a un comportement que l'on ne peut juger qu'immoral pour l'époque, sa quête d'un sens à sa vie donne sa légitimité à ce personnage, malgré ses erreurs et ses errances.



L'adaptation avec Sophie Marceau ne rend que très imparfaitement justice à ce chef d'oeuvre littéraire, mais reste intéressante à analyser. Il existe aussi une adaptation avec Vivien Leigh, qui fait référence. Et il est beaucoup question depuis un moment de la récente adaptation de Joe Wright avec Keira Knightley, qui devrait sortir sur nos écrans dans quelques mois. Les quelques extraits vidéos qui circulent sur le net ainsi que les affiches du film laissent présager un joyeux jeu de massacre...

J'irai sans doute la voir, plus pour rigoler qu'autre chose ! ^^